Prêtre exorciste : avant tout accueillir ceux qui souffrent

Je suis prêtre exorciste de mon diocèse depuis cinq ans, et j’avoue que c’est la pratique de ce ministère qui m’a permis d’en saisir davantage la réalité. Un grand saint disait que l’exorcisme c’est un dé à coudre de science – il y a des choses à connaître – , un baril de patience – pour accueillir des gens qui sont parfois dans des situations pas très intéressantes – , et un océan de compassion, pour reconnaître vraiment que ce sont des gens en souffrance. Donc avant de commencer à distinguer si c’est psychologique ou spirituel,   il s’agit d’abord d’accueillir des personnes qui souffrent.

Discerner psychologique et spirituel ?

Quand on a accueilli ces personnes qui souffrent, effectivement il est nécessaire de faire un discernement, lequel discernement s’inscrit dans une durée importante, il faut 6 mois, un an, il faut vraiment du temps pour que le discernement soit juste.

Je vous avoue que dans l’exercice du ministère, il y a quelque chose qui m’est apparu. Au début je pensais qu’il s’agissait de séparer, est-ce que c’est spirituel, est-ce que c’est psychologique? Je me suis rendu compte que l’œuvre du Malin était plus subtile, d’abord parce qu’il utilise les failles, il connaît nos faiblesses, notamment nos faiblesses psychologiques, alors qu’un ami ne va pas appuyer sur vos faiblesses, au contraire il va tout faire pour les apaiser ou les combler, et un ennemi, un malveillant, va justement appuyer là où ça fait mal. Donc ce n’est pas parce qu’il y a un problème psychologique qu’il n’y a pas, en plus, un problème spirituel.

L’esprit du mal c’est également le père du mensonge, et il peut aussi se dissimuler derrière des facteurs psychologiques pour vraiment attaquer quelqu’un. On ne peut pas simplement essayer de faire un discernement psychologique par rapport à un discernement spirituel, même s’il est nécessaire de faire ce discernement psychologique et que nous comme prêtres exorcistes nous avons le soutien de psychologues chrétiens, qui nous permettent d’arriver à un sain discernement.

Le diable existe : ennemi de l’espérance

Une fois qu’on a dit cela, on n’a pas tout dit, parce que pour faire un bon discernement sur l’exorcisme, il nous faut d’abord reconnaître qu’il existe – et c’est fondamental –  « un être pervers et pervertisseur » comme dit Paul VI, pas simplement une tendance en nous à faire le mal, dans les Evangiles la présence de Satan est là, comme l’Adversaire, l’ennemi à l’œuvre du Christ, l’ennemi de l’espérance. Et finalement dans le discernement de l’exorcisme, cela va être un élément important. En périphérie il y a tous les phénomènes extérieurs, quelqu’un qui va avoir, physiquement, des réactions qui peuvent être étonnantes, mais qui peuvent aussi s’expliquer.

En revanche quand il y a la marque du désespoir, pour moi c’est un critère essentiel, puisque l’esprit du mal veut nous faire désespérer, et désespérer d’abord de Dieu. Et donc dès qu’il y a cette tentation du désespoir, cette tentation de la tristesse, de la profonde mélancolie, cette tentation qui fait qu’on n’est plus capable de se réjouir dans le Seigneur, c’est un critère de discernement particulièrement important.

L’exorciste protégé par sa volonté

Par rapport à l’exorcisme, il me semble qu’il est important de nous dire que le Seigneur nous protège, on n’est pas attaqué par le Démon comme on attrape un rhume si on sort sans manteau! C’est quelque chose de beaucoup plus complexe, d’abord parce que le Seigneur l’a emporté sur les puissances de la mort – relisez le début de la lettre aux hébreux : « Le Christ a anéanti les puissances du mal » – c’est fait, ce n’est pas simplement une promesse, même si elle trouvera son accomplissement à la parousie. C’est déjà une réalité, le Christ a anéanti.

Et un des messages du Laus – permettez moi que je cite le sanctuaire du Laus, puisque je le sers – dit que Benoîte demande un jour à la Vierge Marie si le Démon avait un pouvoir sur elle, Marie répond « non, si vous ne le voulez pas ». L’implication de la volonté! Et je me suis rendu compte dans mon ministère qu’il s’agissait d’aider les gens à ré-habiter leur volonté. Même par rapport à des phénomènes extérieurs, quelqu’un qui aurait des réactions très violentes, des paroles un peu sombres, de lui dire « refusez-les, habitez votre volonté, c’est le lieu où le Seigneur vous attend ».

L’imaginaire à éduquer

Deuxième chose à faire, ne pas laisser aller son imaginaire, c’est le terrain de prédilection de l’esprit du mal. Puisque la réalité a été sauvée par le Seigneur, le terrain sur lequel l’esprit du mal peut agir, c’est l’imaginaire. Il s’agit de ne pas laisser l’imaginaire être investi par l’esprit du mal. Et là aussi il va jouer sur le désespoir, c’est-à-dire que l’imaginaire va nous faire croire que le Seigneur nous a abandonné, que nous sommes dans une situation qui est une impasse, ma vie est trop difficile avec tout ce que j’ai fait dans le passé, ce n’est pas possible que le Seigneur s’intéresse à moi….Et ça il s’agit de le rejeter avec beaucoup de vigilance.

Foi, rosaire et sacrements : l’exorciste conseille ces armes essentielles

Donc je dirais que le comportement essentiel devant l’esprit du mal c’est d’abord avoir foi en Jésus Christ notre Sauveur. Il a vaincu le mal et finalement dès que nous sommes pris par l’esprit du mal, car la plus grande manière d’agir de l’esprit du mal, ce n’est pas de nous posséder, c’est de nous tenter, et par rapport à cela la première chose à faire, c’est de reconnaître la victoire de Jésus, et se mettre du côté du Christ. Si on se met du côté de celui qui est déjà vainqueur, les choses sont beaucoup plus faciles, même si nous pouvons être inquiétés, perturbés par l’esprit du mal.

Deuxièmement Marie, Marie dont on sait que le Rosaire est un peu comme cette fronde à cinq pierres que tenait David pour affronter Goliath. Devant l’impression de Goliath que peut être parfois pour nous l’esprit du mal, nous avons Marie, nous avons le Rosaire, et puis les Sacrements, quand on se met à l’abri sous les Sacrements on ne risque rien, spécialement l’Eucharistie. Les plus grands exorcistes disent que le plus grand exorcisme c’est la confession, parce que c’est là qu’on refuse absolument toute influence de l’esprit du mal, en se plaçant sous la miséricorde de Dieu on lui dit de manière claire « tu as perdu, tu peux t’en aller ».